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Bio...



Il promène d’abord son regard doux autour de lui, ressent l’atmosphère, hume l’ambiance, pose des questions, cherche à comprendre, plaisante si l’instant s’y prête… s’immerge dans son sujet jusqu’à ce qu’on l’oublie. Alors enfin, il pose les yeux sur son viseur : un bref regard en haut, en bas, à gauche, à droite; déjà il sait ce que sera son image. Alors nul besoin d’en faire 10… juste une image, une bonne image… Avec beaucoup de bonheur, l’espace de quelques jours, j’ai eu le privilège de voir travailler Yvan Leriche…

Pour Yvan, photographier est avant tout une histoire de rencontres. Il place l’autre au centre de son intérêt, sans hauteur ni déférence, de la vedette à l’ouvrier, de la fête à la tragédie. A chaque fois, l’humain, l’autre est présent, prépondérant. Sans rencontre, sans amitié : pas d’émotions, pas de photos.

Yvan ne photographie pas au hasard. S’il peut croquer avec talent le sourire d’une jeune fille, les jeux d’un enfant ou le regard triste d’un promeneur solitaire; il privilégie avant tout la démarche photographique. Ce mot lui est cher !


Se plonger dans son sujet, le redécouvrir au fil des jours, l’envisager sous toutes ses facettes, laisser le temps à sa sensibilité de le guider jusqu’ au moment où la photo devient presque secondaire pour n’être que l’outil du partage avec l’autre ; le média de l’émotion procurée par l’instant. Voilà ce qu’il aime par-dessus tout.

De ces démarches naissent alors des rencontres et des moments très forts qui jalonnent son parcours photographique et humain :

La cité du Coq à Jemappes. A la demande d’une amie, il s’en va photographier une fête dans ce quartier défavorisé. Cette journée sera le point de départ d’un travail de plusieurs mois. Il découvre à travers son objectif un autre regard, la dignité, la beauté, la joie de vivre de ceux qui sont parfois mis à l’écart. Une expo verra le jour…Ses photos seront vues à Mons, à Verviers, Ixelles et Quaregnon.

Son lieu de travail. Yvan n’est pas photographe professionnel, il concilie son job d’informaticien et sa passion de la photo. Jour après jour, lors du temps de midi, il se promène dans les ateliers et photographie avec tendresse, respect ces hommes au labeur dur… ces hommes qui sous le regard de l’ami photographe laissent entrevoir la fragilité, la douceur, la beauté malgré les mains usées et les visages parfois fatigués.

La Normandie. Magnifique et émouvant travail dédié à la mémoire de ces soldats anonymes tombés en juin 44. Avec des photos d’aujourd’hui, il nous plonge dans le souvenir de la tragédie d’Omaha Beach. Une suite d’images fortes, pudiques, respectueuses mais déchirantes. Ce travail sera vu par plusieurs classes d’ados afin que le lien de la mémoire avec les générations actuelles ne se brise pas…

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C’est dans cette Normandie qu’il a peut-être retrouvé le petit garçon assis près de son père qui contemplait une photo. Car si d’aussi loin qu’il se souvienne la photo a toujours fait partie de sa vie, c’est de là que tout est venu : un partage avec son papa, une photo de Robert Capa sur le débarquement… et le premier grand émoi photographique du petit Yvan..

Puis un oncle, son parrain, passionné de photo l’emmène avec lui et lui fait entrevoir la magie du déclenchement. Ce petit bruit qui le trouble encore aujourd’hui et qu’il aime tant. Il découvrira aussi avec lui la chambre noire, les odeurs, les bains, le miracle du révélateur. Il a une douzaine d’années et plus jamais l’ivresse de l’image ne le quittera.

Quelques années plus tard, lors de la fermeture des laminoirs de Jemappes, il ne peut passer les barrages dressés par les ouvriers que le chômage menace. Il s’empare alors de son sac photo, tire quelques clichés et se fait passer pour un journaliste. L’adrénaline s’empare de lui, elle fait battre son cœur plus vite encore. A ce moment il perçoit enfin quelle sera La Photo qu’il veut faire.

Si Capa est son maître, son modèle, il se passionne aussi pour d’autres grands reporters : Gilles Caron, Larry Burrows, Don McCullin et bien d’autres… quel que soit le conflit ou la tragédie, il voue une admiration sans borne à ces hommes qui par leur courage ont payé parfois de leur vie le droit de faire découvrir au monde les terribles réalités de la nature humaine.

Alors photographe, Yvan Leriche ? Je pense que le terme serait réducteur…Yvan est un poète qui écrit ses histoires d’amour avec la lumière, un magicien qui fait surgir de son boîtier mille et une émotions, un funambule qui nous entraîne sur le fil ténu de sa sensibilité…


Danièle Revaz Bays « Nanou »

Anzère, Suisse, août 2008